L'île
aux oiseaux, dans la réserve de Biosphère du Delta du Saloum, est
confrontée aux changements climatiques. En dix ans, 44 hectares ont été
perdus. Les milliers d'espèces d'oiseaux vivant dans l'île, sont les
plus menacés par la montée de la mer. Aujourd'hui, on compte entre 30000
et 35000 couples alors qu'avant 2000, il y en avait 42000 environ. La
diminution des oiseaux est parallèle au rétrécissement de l'espace.
A priori, l'île aux oiseaux dans le Delta du Saloum, ne semble pas être une destination hors des sentiers battus. L'île, située au niveau de l'embouchure d'un des fleuves de Bandiala, recèle une richesse qui ne se dévoile pas facilement. Pour y arriver, au-delà du fait de se lever tôt à Toubacouta, le voyageur doit passer par une route dégradée et poussiéreuse jusqu'à Missirah, un village, pour embarquer ensuite sur des pirogues motorisées pour la plupart. Prendre une pirogue à partir du quai de pêche de Missirah constitue l'un des choix pour pouvoir aborder l'île. Mercredi 25 mai dernier, à peine que le soleil s'est détaché de l'horizon. L'île aux oiseaux apparaît, enfin, au bout de la sinuosité du littoral. Le site n'est pas réductible au cliché « soleil, plage et oisiveté ». Au fait, c'est un site, c'est-à-dire un site d'envergure internationale, qui abrite jusqu'à 120000 oiseaux, toute espèce confondue. « Au moins, il doit abriter 20000 individus d'oiseaux pour être déclaré site Ramsar. On dénombre jusqu'à 120000 oiseaux, toute espèce confondue. Le site abrite également 1% de la population d'oiseaux qui représente 21 000 espèces d'oiseaux », explique Lieutenant Abdoul Aziz Ndiaye, conservateur du parc national du Delta du Saloum, les bottes presque dans l'eau.
Dans
son treillis militaire et chapeau de cow-boy, à l'image de son adjoint
Cheikh Sylla, aussi Lieutenant, Abdoul Aziz Ndiaye va conduire la visite
dan l'île. « Devant nous, il y a l'océan Atlantique. Ce sont les houles
qui sont à l'origine de la morphogénèse des îles. Les houles arrivent
au niveau de l'embouchure avec beaucoup de sédiment. Une fois au niveau
des côtes, ces sédiments se déposent. Il y a une accumulation de sable
qui se transforme en île », explique Lieutenant Sylla, à la cinquantaine
de visiteurs composés de Français, de Japonais, de Vietnamiens, etc. La
foule de visiteurs ne s'est pas encore approchée des milliers
d'oiseaux. Cependant, elle peut déjà entendre les vociférations des
milliers de volatiles avec des plumages variés. Entretemps, nombreux ont
été les visiteurs qui avaient déjà commencé à photographier ou se faire
photographier, notamment en marchant. Peu importe l'angle de la photo.
L'essentiel, c'est de pouvoir justifier qu'on a été dans le Delta du
Saloum, précisément à l'île aux oiseaux. Alors meilleur angle ne pouvait
être que celui où on voit dans l'objectif de l'appareil les oiseaux
voltiger derrière leurs longs becs. En tous cas, plusieurs ont choisi
cet angle.
De 129 hectares, l'île s'est rétrécie à 85
L'île
est menacée par la montée des eaux, indique Cheikh Sylla. L'érosion
côtière due aux changements climatiques y est constatée. Selon les
dernières estimations, l'île ne mesure plus que 85 hectares aujourd'hui,
alors qu'avant les années 2000, elle mesurait 129 hectares. Ce
phénomène de dégradation inquiète. « La mer a avancé de 30% en 10 ans »,
fait savoir Cheikh Sylla. Cependant, il y a un brin d'espoir. « On
pense qu'il y aura un équilibre. Dans le passé, il y a eu des brèches
qui s'étaient ouvertes, mais qui se sont colmatées ensuite. C'est
dynamique », affirme le conservateur. « Depuis quand on prend des
mesures
? », questionne
Hubert d'Aboville, d'origine philippine. « Depuis une dizaine d'années
», lui répond le Lieutenant. Dans son short kaki et son tee-shirt
moulants, Hubert d'Aboville veut encore savoir : « comment est la
population d'oiseaux ? », demande-t-il. « Elle est variable », indique
Cheikh Sylla qui ajoute, cependant, que leur lieu de reproduction
diminue et qu'il y a un début de colonisation d'autres îles situées dans
le Delta du Saloum. Cela crée parfois un mélange au niveau de l'île aux
oiseaux. Il y a principalement cinq espèces qui y nichent. Il s'agit,
selon Lieutenant Sylla, la sterne caspienne, la sterne royale (la plus
grande colonie de sternes royales au monde). « En 1999, plus de 42 000
couples de sternes royales ont été comptés dans le Delta du Saloum. Il y
a aussi la sterne pierre Garin, les mouettes à tête grise et quelques
goélands dominicains qui y nichent également », ajoute Cheikh Sylla. Ces
oiseaux élisent leur quartier d'hiver dans l'île du Delta du Saloum, de
septembre à mars. Ils vont emprunter ensuite le chemin de retour pour
l'Europe. A côté de ces oiseaux, il y a aussi les afrotropicaux. Ce sont
des oiseaux qui vivent, nichent et se reproduisent dans l'île, dans les
bandes de sable et de la mangrove. Ils se concentrent sur une petite
superficie où ils font une synchronisation de leurs pontes. En quelques
jours, les oiseaux peuvent pondre des milliers et des milliers d'oeufs,
avec une harmonisation dans la survie. Pour protéger leurs progénitures
des prédateurs, les femelles les plus expérimentées occupent le milieu
de la colonie et les plus faibles se mettent à la périphérie. On indique
que les varans, les couleuvres et même d'autres espèces d'oiseaux
constituent les principaux prédateurs. Aujourd'hui, on compte entre
30000 et 35000 couples. La diminution des oiseaux est parallèle au
rétrécissement de l'espace.
Surveillance
On accorde un intérêt particulier à ces oiseaux. Selon Cheikh Sylla, ces oiseaux qui ont un régime alimentaire piscivore, sont également un indicateur de la santé de l'écosystème. Donc, pour lui, ils constituent un baromètre de la ressource ichtyologique. « La raréfaction du poisson a une incidence sur la condition physique des oiseaux, Durant janvier, jusqu'au mois de juillet, c'est la période de concentration de reproduction à l'île des oiseaux. Pendant toute cette période, les écogardes sont permanents et font un suivi biométrique des volatiles. C'est l'occasion de voir leurs conditions de vie et constater si la ressource halieutique est disponible ou non », dit-il. Des organismes de protection de l'environnement comme Wetlands international, WWF et UICN appuient à la conservation de l'île aux oiseaux. Il faut noter que l'organisation des visites au niveau de l'île est dévolue aux écogardes. Il est difficile de quantifier le nombre de visites effectuées annuellement dans cette île. En tous cas,. 90 % des visites sont assurées par des nationalités étrangères. Selon Amadou Bakhoum, guide touristique, depuis le début de la crise financière en 2008, les touristes se font désirer. Amadou Bakhoum souligne que pour pouvoir visiter le site, il faut débourser jusqu'à 100 mille Fcfa.
01 JUIN 2011 LE POINT DU JOURL